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5 days ago
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Le chapeau de Québec a-t-il un double fond ?
Le ministre Bernard Drainville a annoncé le 16 juillet dernier l'abandon des coupes de 570 millions de dollars annoncées un mois plus tôt. Après avoir soutenu pendant des semaines que les compressions (qui n'en étaient pas, dixit M. Drainville…) étaient rendues nécessaires par la situation financière difficile de l'État québécois, le gouvernement de la CAQ a sorti 540 millions du double fond de son chapeau. ANDRÉ PRATTE Ancien journaliste et ex-sénateur, l'auteur est consultant en communications et étudiant au doctorat en histoire à l'UQAM. Le même jour, le gouvernement Legault a aussi trouvé la modique somme de 275 millions pour financer son projet de troisième lien. Ainsi, en quelques heures, plus de 800 millions ont été dégagés par un gouvernement qui s'était pourtant donné comme mission de retrouver l'équilibre budgétaire d'ici 2029-2030. « C'est notre responsabilité envers les générations futures », avait souligné le ministre des Finances, Eric Girard, lors de son discours du budget il y a quatre mois. N'est-il pas fascinant de voir comment, sous l'effet de la pression publique, un gouvernement peut comme par magie trouver des tonnes d'argent ? Ou encore sous l'effet d'un calcul électoral dans la région de Québec ? Si M. Girard pensait envoyer un message de rigueur budgétaire pour les prochaines années, ces récentes décisions signalent tout le contraire. Bien sûr, les 540 millions tombés du ciel sont une excellente nouvelle pour les écoles, les enseignants et les élèves. Les services éducatifs, si essentiels à notre société, ne seront pas coupés finalement. Bravo ! Et les 275 millions ne sont pas du nouvel argent, nous jure le gouvernement, puisqu'ils se trouvaient enfouis dans le Programme québécois des immobilisations (PQI). D'accord. N'empêche : le problème de fond demeure, un problème que nous, Québécois, ne voulons pas regarder en face parce que ça fait trop mal : malgré une hausse constante des dépenses et du nombre d'employés du secteur public, année après année, la qualité des services ne s'améliore pas, tandis que la situation budgétaire de l'État québécois s'aggrave. Cette impasse a été bien documentée dans une série de reportages 1 de La Presse l'hiver dernier. En de telles circonstances, ayant à l'esprit notamment les générations futures dont parlait M. Girard, on s'attendrait à ce que le gouvernement soit des plus pingres. Mais non, de l'argent, apparemment, il y en a toujours quand les sondages sont mauvais. C'est à croire qu'à Québec, tout le monde a adopté le principe exprimé devant la commission Gallant par un ex-président du conseil d'administration de la SAAQ, principe suivant lequel quelques centaines de millions, ce n'est pas ce qui va empêcher la Terre de tourner. L'heure des choix Sauf que si la Terre continue de tourner, l'État québécois, lui, ne peut pas continuer à s'endetter à coups de 13,6 milliards par année. Alors que faire ? Déjà lourdement imposés, les Québécois ne veulent évidemment pas voir leurs impôts et taxes augmenter. Comprimer les dépenses ? La population est bien d'accord, pourvu que ça ne paraisse pas. Alors, encouragés par les politiciens, toutes couleurs partisanes confondues, on préfère croire aux solutions magiques : faire payer les riches, plus d'argent d'Ottawa, réduire le gaspillage, faire croître l'économie davantage, l'indépendance. Cependant, emprunter ces avenues, dans la mesure où elles sont même praticables, ne suffirait pas. Certaines d'entre elles empireraient la situation. Non, ce qui est requis, c'est de faire des choix. Le Québec a de loin l'État-providence le plus généreux d'Amérique du Nord. C'est très bien. Malheureusement, nous ne sommes pas la société la plus riche du continent. Autrement dit, nous n'avons pas les moyens de notre générosité collective. Il faudrait donc déterminer ce qui est vraiment prioritaire (santé, éducation, sûrement) et y investir les ressources nécessaires pour avoir des services de qualité. Pour le reste, il faudrait prendre les décisions qui s'imposent : cesser de lancer des nouveaux programmes au gré des promesses électorales, mettre un terme à des programmes périmés ou non essentiels, faire payer les usagers pour certains services, accroître les tarifs suivant au moins le rythme de l'inflation, arrêter de subventionner les entreprises selon la plus récente lubie de la classe politique, etc. Tout ça serait dur et très impopulaire. On crierait à l'austérité, évidemment. Cependant, ou bien nous faisons ces choix nous-mêmes, de façon ordonnée, démocratique et correspondant à nos valeurs, ou bien les décisions nous seront imposées par nos créanciers, et alors ça fera encore plus mal (voir le cas du Canada dans les années 1990). En février, l'éditorialiste en chef de La Presse, Stéphanie Grammond, écrivait que « les Québécois sont mûrs pour se parler dans le blanc des yeux 1 ». Malheureusement, je ne suis pas certain que nous soyons tout à fait rendus là. Quel parti politique aura le courage de dire la vérité aux Québécois ? Un jour ou l'autre, il faudra bien que ce soit l'enjeu d'une campagne électorale. En 2026 ? J'en doute. 1. Lisez « État-providence : le Québec à l'heure des choix » Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue


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12-07-2025
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Pourquoi le cran d'arrêt fait mal en éducation
Le ministre Bernard Drainville et son ministère répètent que le gouvernement a fait croître considérablement les ressources en éducation ces dernières années, ce qui n'est pas faux, écrit notre chroniqueur. Plusieurs lecteurs m'ont posé la question. Ils veulent avoir l'heure juste sur les « compressions » en éducation : est-ce l'enfer décrié par les gens sur le terrain ou le ciel bleu présenté par la CAQ1 ? La question mérite d'être éclaircie, étant donné la grande importance de l'éducation, mais compte tenu, également, du lourd déficit qui pèse sur les finances publiques. D'abord, il faut savoir que le budget de mars 2025 présenté par Eric Girard prévoyait une hausse de 4,8 % des dépenses d'éducation cette année par rapport aux dépenses qui devaient être réalisées l'année dernière. Il s'agit de la croissance des dépenses une fois retranchés les éléments non récurrents2. Le chiffre de 4,8 % paraît gros – et il l'est vraiment –, mais il se dégonfle rapidement quand on tient compte de divers éléments. D'abord, les dépenses de l'an dernier inscrites en mars 2025 n'étaient pas pleinement connues au moment de présenter le budget. Il y a deux semaines, le 27 juin 2025, le ministère des Finances présentait un rapport avec les dépenses réellement effectuées durant l'année précédente. Or voilà, le réseau a dépensé l'an dernier 336 millions de plus que ce qui était inscrit dans le budget de mars 2025, si bien que la base de comparaison pour l'année en cours n'est plus la même. En clair, la hausse de cette année n'est plus de 4,8 % par rapport à l'an dernier, mais de seulement 2,6 %. Le chiffre paraît quand même raisonnable sachant que le taux d'inflation a navigué sous les 2 % au cours de 5 des 6 derniers mois. Mais il y a deux hics. D'abord, les centres de services scolaires doivent composer avec les hausses salariales appréciables que le gouvernement a accordées aux enseignants pour la prochaine année, soit 2,6 %. Apparaît le 2e hic : le fardeau des centres scolaires n'est pas le même que l'an dernier. Le nombre d'élèves augmentera d'environ 1,5 % au cours de la prochaine année, principalement en raison du boom de l'immigration. Je le sais, cette hausse de clientèle ne se traduit pas strictement en dépenses. Tout de même, aux fins de l'exercice, on peut raisonnablement soustraire ce 1,5 % de responsabilité additionnelle de la hausse budgétaire de 2,6 % qui a été accordée, ce qui ne laisse que 1,1 % de hausse budgétaire pour couvrir les coûts du système. Et parmi ces coûts du système, je le répète, il y a les incontournables majorations salariales de 2,6 %. Bref, entre la hausse réelle de 1,1 % qui se dégage du budget et les coûts du système, il y a un écart avoisinant 1,5 point de pourcentage à combler. Ramené sur un budget de 23,3 milliards de dollars, ça fait un trou de 350 millions. D'où les compressions, bien réelles. L'exercice est très approximatif, mais il illustre pourquoi bien des intervenants affirment que le réseau de l'éducation souffrira, même si le gouvernement caquiste avait prévu, en mars, un budget en hausse de 4,8 % pour l'éducation, malgré un déficit attendu de 13,6 milliards. Mon chiffre est approximatif, mais il est inférieur aux données que rend publiques le ministère de l'Éducation (MEQ). Officiellement, le Ministère reconnaît que les entités du réseau doivent « respecter la cible d'optimisation des dépenses transmise le 12 juin » qui représente 568 millions pour l'ensemble du Québec, selon ce que m'indique le MEQ (le chiffre qui circule a été arrondi à 570 millions). Plus précisément, l'effort demandé est de 510,8 millions pour les centres de services scolaires, soit le secteur public, et 56,9 millions pour le réseau privé, m'écrit le MEQ. Cet effort de 568 millions tient compte de la tendance croissante des dépenses de toute nature ces dernières années, projeté sur 2025-2026. Pour se défendre, le ministre Bernard Drainville et son ministère répètent que le gouvernement a fait croître considérablement les ressources en éducation ces dernières années, ce qui n'est pas faux. Entre 2019 et 2024, par exemple, le nombre d'enseignants à la formation générale des jeunes a grimpé de 20 % et le personnel professionnel de 16 %, soit davantage que le nombre d'élèves (8 %). Autre argument : le budget accordé aux centres de services scolaires et autres établissements du réseau a excédé d'environ un milliard de dollars le budget qui était prévu en mars 2024. Une partie de ce dépassement a été constatée dans le rapport du 27 juin 2025 et une autre dans le budget de mars 2025. Une foule de raisons peut expliquer ces dépassements. Il faut savoir qu'il est réparti dans les 72 centres de services scolaires qui peuplent le Québec, qui accueilleront, avec les écoles privées, près de 1,2 million de jeunes du primaire et du secondaire à l'automne. Le réseau saura précisément à quoi s'attendre le mercredi 16 juillet prochain, probablement. C'est que le MEQ est en négociations avec chacun des 72 centres actuellement pour préciser leur budget, négociations qui se termineront mardi ou mercredi. Les deux camps aiguisent leurs crayons, mais les réalités diffèrent beaucoup selon les régions. Certains centres connaissent une forte hausse du nombre d'élèves, dépassant 2,5 %, tandis que d'autres constatent une stagnation ou une légère baisse. En espérant que les parties mettent tout en œuvre pour épargner les services aux élèves, autant que faire se peut. 1. Un document de la CAQ publié fin juin affirme qu'il n'y a pas de coupes en éducation (Les chiffres sont clairs : pas du tout, dit le document), mais plutôt une hausse de 5 %. Consultez le document de la CAQ 2. Les éléments non récurrents totalisent 436 millions et sont composés des « mesures visant à soutenir les élèves en difficulté pour le retour en classe et concernant l'Offensive formation en construction ».